Ce matin je m’enfonce mécaniquement
Dans les entrailles de la station Bienvenue
Une foule grouillante coagule aux guichets
Et aux distributeurs automatiques.
J’accompagne le flux matinal des marcheurs
Une borne métallique avale mon ticket magnétique
Et dans un souffle pneumatique m’ouvre l’accès
Au complexe réseau de la RATP.
J’accélère le pas dans le ballet désordonné du hall d’entrée
J’avance à contre courant vers la galerie opposée direction Nation
Je plonge dans le flot de voyageurs
Qui se déverse en vagues successives
Et métastase le quai déjà bondé.
Une rame grinçante et surpeuplée accoste
Elle rejette quelques usagers à l’air comprimé.
Au mépris de l’espace disponible la foule embarque
Porté par le mouvement je m’engouffre dans une voiture
La fermeture retentit dans l’explosion silencieuse de nos bulles sociales.
Nos corps instables se contractent se meurtrissent
L’énorme masse corporelle dans un vacarme sans voix
S’ajuste sous l’effet de l’accélération.
Nez contraints nous partageons nos fragrances matinales
Sous des regards tendus qui plongent dans des bulles de papier journal
Qui parfois s’effleurent mais s’évitent le plus souvent
Quand d’autres s’enferment dans leur bulle musicale.
88 secondes plus tard escale au quai d’Edgar
L’équilibre instable des corps emboîtés est rompu par le freinage
L’ouverture sonore signe la fin d’un round.
L’expulsion de quelques individus groggys réduit la pression populaire
Instantanément les portes se referment sur un nouvel assaut
Réplique d’un tremblement de chair
A l’intensité variable du solde des mouvements.
Chaque station renouvelle et répercute cette effraction
Détente à Raspail suivie d’une poussée à Denfert
De Saint-Jacques à Corvisart nouveau répit
Avant le tempétueux brassage des effectifs Place d’Italie.
Mon combat sans adversaire s’achève à Chevaleret station aérienne
Je respire soulagé de m’arracher provisoirement
A cette communauté silencieuse et laborieuse
A cette humanité souterrienne.
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